Elève des Beaux-Arts, Marcel Vicaire expose au Salon des Artistes Français dès 1918. La bourse qu’il obtient pour le prix Chenavard lui permet de financer son voyage pour "enrichir sa palette dans un pays neuf" : il tombe sous le charme du Maroc, et n’en repart, à contre-coeur, qu'en 1958, malgré les paroles chaleureuses du roi Mohammed V qui tente de le retenir.
Il est accueilli avec enthousiasme par le Maréchal Lyautey, qui s'est fixé comme mission de préserver les splendeurs du patrimoine culturel marocain. En 1924, Marcel Vicaire est nommé Inspecteur des Beaux-Arts et Monuments Historiques du Maroc. Passionné par la beauté et la richesse de l'artisanat marocain, il veut en sauvegarder le savoir-faire traditionnel. Il effectue des études approfondies, sillonnant le Maghreb pour retrouver les techniques millénaires des innombrables métiers d'art : brodeuses et tisserands de brocart de soie, de laine ou de coton, potiers, dinandiers, bijoutiers, armuriers, tanneurs, relieurs et maroquiniers, enlumineurs, babouchiers et selliers, tréfileurs d'or, forgerons, céramistes, mosaïstes, ébénistes... Son oeuvre de rénovation et de préservation de l'artisanat aux côtés de Prosper Ricard se révèle un tel succès à Fès, qu'elle s'étend bientôt à tout le Maroc, puis à la Tunisie et l'Algérie.
Marcel Vicaire sait reconnaître et convaincre les meilleurs maîtres-artisans de développer leurs ateliers, en formant des apprentis. Afin de résister face à la concurrence des friperies et des produits importés à bas coût, il incite les artisans à se rassembler en coopératives.
Déjà conscient de l'importance de la « communication », il organise de nombreux événements : foires artisanales de Fès, Meknès, Marrakech, Rabat... Remise de prix aux meilleurs ouvriers, conférences données à Genève, Monaco, Paris... Sans parler de sa participation active à l'Exposition Coloniale de 1931, à Paris.
De ses excursions à travers le Maroc, il rapporte de nombreuses pièces rares : poteries anciennes, armes, bijoux, costumes... Il rassemble ainsi différentes collections du Musée des Oudaïas, y inaugurant en 1957 le Musée du Costume. Il fait aussi venir au Musée différents corps de métiers, à l'occasion d'expositions temporaires. Il a en effet cette idée, assez nouvelle à l'époque, que l'artisanat mérite toute sa place au sein des Musées.
Peintre, mais aussi photographe, et réalisateur de petits courts-métrages présentant les techniques traditionnelles, il n'a de cesse que de préserver et faire connaître cet artisanat qu'il aime tant.
Membre fondateur de l'Association des Peintres et Sculpteurs du Maroc, il organise des expositions dans les nombreuses galeries d'art des pays du Maghreb, mais aussi en France, aux Pays-Bas, en Italie, en Suisse, au Japon... Identifiant et encourageant les jeunes talents, il suscite et soutient leurs candidatures aux concours prestigieux de la Villa Médicis à Rome ou de la Casa Vélasquez, à Madrid. Remettant à l'honneur la musique idrissite andalouse avec l'aide d'Alexandre Chottin, il fait donner de nombreux concerts dans la belle demeure du Dar Adiyel, où il réside, à Fès. Comme en souvenir, le Dar Adiyel accueille aujourd'hui le Conservatoire de Musique de Fès.
A l'affût des projets de modernisation des transports et des grands chantiers immobiliers, fidèle à la mission que Lyautey lui a confiée -« tu seras mon oeil »-, Marcel Vicaire veille à protéger et à valoriser les villes anciennes, les monuments chargés d'histoire, et les patrimoines classés. Il raconte ainsi, dans ses Souvenirs du Maroc, comment Bab Guissa, une des plus majestueuses portes de Fès, échappe de justesse à la pioche des démolisseurs.
Maîtrisant parfaitement l'arabe ancien, dialectal ou littéraire, déchiffrant les inscriptions coufiques et cursives des stucks des médersas, Marcel Vicaire se plaît à passer pour un «authentique Fassi » : les portes des médersas, mosquées, et autres monuments fermés aux Européens lui sont toujours grand ouvertes. Passionné par la ville de Fès, il fonde, dès 1932 l'association des « Amis de Fès » pour « grouper Marocains et Français soucieux de connaître l'histoire de Fès, ses monuments, ses institutions, les moeurs et coutumes de ses habitants, et désireux de collaborer à un vaste programme d'études, de conférences, de promenades et d'expositions ».
Le Maréchal Lyautey accepte de bonne grâce la présidence de l’association. Il est entouré de « personnalités marquantes des lettres, des arts, du journalisme et quelques hommes politiques sensibles au goût, à la beauté et aux choses de l'esprit ».
Sa connaissance érudite de la ville de Fès, mais aussi de tous les sites importants du Maroc, fait de Marcel Vicaire le guide idéal pour les invités de marque de la République : il fait ainsi découvrir à Georges Duhamel, de l'Académie française au Maréchal Foch, à Paul-Emile Victor, Frantz Funk-Brentano, fondateur du journal "Le Monde" au Prince Aaj de Danemark, à la Reine Marie-José d'Italie, à Louis Bertrand et à Gabriel Hanotaux de l'Institut ... les beautés du Maroc.
Suivant son exemple, l'association « les Amis de Marcel Vicaire » a été créée pour tous les amoureux du Maroc désireux de perpétuer son oeuvre et de la faire connaître. Pour ce faire, les Souvenirs du Maroc, seront bientôt publiés. Marcel Vicaire y raconte mille histoires pleines de vie et d'humour avec une plume aussi vive et nuancée que sa palette de peintre.
Ses Feuilles d'album, véritable « herbier humain » représentent, peints à la gouache, les figures hautes en couleurs de la place Jema el Fna, à Marrakech : le charmeur de serpent, le policier du sultan, le marchand d'oranges, le conteur... Le recueil sera bientôt réédité.
Enfin, la très belle affiche «Venez visiter Fès la Mystérieuse », réalisée pour le Syndicat d'Initiative de Fès, en 1930, sera reproduite.
Autant de manières pour les descendants et amateurs de l’oeuvre de Marcel Vicaire au Maroc, de continuer à la faire vivre afin d’en prolonger les bienfaits…
Odile Crouigneau et
Isabelle Crouigneau-Vicaire, Présidente de l'association « Les Amis de Marcel Vicaire »